Nous transformons ces matériaux en produits que les entreprises de construction assemblent avec expertise pour créer les espaces et les bâtiments dans lesquels nous évoluons. Nous faisons tout cela sans trop nous soucier de la façon dont ces matériaux sont extraits, produits, fabriqués, transportés et installés. En y regardant de plus près, on constate qu’il faut énormément d’énergie pour construire un bâtiment et que chaque étape du processus de construction entraîne des émissions de carbone. Ces émissions sont communément appelées carbone intrinsèque. 

Jusqu’à récemment, l’attention était portée sur l’énergie utilisée pour alimenter, chauffer, refroidir et ventiler les bâtiments, car ces sources opérationnelles sont importantes. Les codes et les normes de construction ont évolué afin de permettre une amélioration constante de l’efficacité énergétique. Nous concevons aujourd’hui des structures à haut rendement qui fonctionnent avec une fraction de l’énergie requise par les bâtiments construits il y a 10 ou 20 ans. Ces structures à haut rendement aident les propriétaires d’immeubles à atteindre l’objectif de consommation énergétique nette zéro. 

Maintenant que nous sommes en mesure de construire des bâtiments ayant atteint une consommation énergétique nette zéro, sur quoi devrions-nous concentrer notre attention? Réponse : le carbone intrinsèque. Il est impératif que les industries de la conception, de la fabrication et de la construction s’attaquent au carbone intrinsèque pour atteindre les objectifs de réduction du carbone de la société. D’après les recherches menées par Architecture 2030, nous ajoutons chaque année dans le monde environ 6,13 milliards de mètres carrés de nouveaux bâtiments, ce qui équivaut à 3 729 millions de tonnes métriques de CO₂. Entre 2020 et 2050, les émissions de carbone intrinsèques et les émissions de carbone opérationnelles deviendront à peu près équivalentes. En d’autres termes, la part du carbone intrinsèque dans tout le carbone du cycle de vie des bâtiments est en train de devenir une partie importante des émissions totales. Cette situation est aggravée par le fait que les décisions relatives au choix des matériaux et à leurs répercussions inhérentes sont prises au début du cycle de vie d’un bâtiment et qu’il n’y a aucun moyen de modifier ou de réduire ces répercussions après la construction.

Le marché répond à ce défi en faisant évoluer les codes et les exigences. La ville de Vancouver, en Colombie-Britannique, en est un exemple. La Ville s’est fixé pour objectif de réduire de 40 % les émissions de carbone intrinsèque associées à la construction de nouveaux bâtiments d’ici 2030 par rapport au niveau de référence de 2018. Vancouver prévoit d’atteindre cet objectif en réutilisant et en réaffectant les bâtiments et les matériaux existants, en construisant en bois ou en bois massif, en utilisant du béton à faible teneur en carbone, en alimentant les chantiers de construction en énergie renouvelable et en utilisant des produits d’isolation à faible teneur en carbone. 

La ville de Los Angeles prend aussi des mesures concrètes pour réduire le carbone intrinsèque. L’an dernier, dans une directive administrative, la Ville a annoncé qu’elle adopterait les directives de la Buy Clean California Act. La directive se concentre sur les projets de construction municipaux et exige l’approvisionnement en produits tels que l’acier, le verre et la laine minérale de manière à limiter leur potentiel de réchauffement planétaire. Par exemple, dans le cas de l’acier, certaines aciéries utilisent de l’énergie renouvelable alors que d’autres ne le font pas. Ainsi, même si le matériau est le même, il peut avoir une empreinte carbone différente en fonction de sa provenance. La Ville examinera également la possibilité d’inclure d’autres matériaux de construction à forte intensité carbonique dans les directives à venir.

En plus des mesures gouvernementales, des normes de tiers peuvent être suivies par les propriétaires et les équipes de projet de construction. La certification Zero Carbon de l’International Living Future Institute couvre à la fois les émissions de carbone opérationnelles et le carbone intrinsèque associé aux choix des produits de construction. Pour obtenir la certification, l’impact des émissions de carbone intrinsèque des matériaux primaires de la fondation, de la structure et de l’enceinte doit avoir été réduit d’au moins 10 %, par rapport à un scénario de référence. La norme Carbone zéro du Conseil du bâtiment durable du Canada exige une réduction du carbone intrinsèque de 20 % par rapport au niveau de référence. Pour calculer ces réductions, les équipes devront utiliser un outil logiciel d’évaluation du cycle de vie. Ces outils évaluent l’impact carbone de chacun des matériaux de construction primaires, automatisant ainsi le processus de calcul du carbone intrinsèque global du bâtiment.

Les outils de calcul du carbone intrinsèque comprennent l’Embodied Carbon in Construction Calculator (EC3), One Click LCA et Tally. One Click LCA et Tally offrent une interactivité avec les modèles de conception produits par l’architecte et les ingénieurs, ce qui permet de gagner du temps dans la construction du modèle d’ACV. EC3 est gratuit et permet d’importer des données à partir d’un modèle de conception. Cet outil permet à l’utilisateur d’effectuer rapidement des comparaisons sur certains des matériaux fondamentaux, tels que le béton, simplement en saisissant les données relatives à l’emplacement et en sélectionnant les critères de performance de base pour le mélange de béton. L’utilisateur peut voir des exemples d’émissions associées à des mélanges particuliers et à des emplacements d’usines de béton, ce qui peut servir de base pour d’autres recherches à l’appui des décisions d’approvisionnement. 

Au cours des dernières années, il y a eu une importante prise de conscience collective selon laquelle les industries de la conception, de la fabrication et de la construction doivent examiner de plus près les émissions de carbone et trouver des moyens de réduire les impacts. Les professionnels de la conception et de la construction ont une occasion importante de contribuer à réduire le carbone intrinsèque, car les choix faits pendant les phases de conception et de construction d’un projet ont une incidence sur l’empreinte carbone du bâtiment pendant toute sa durée de vie. En influençant la sélection des matériaux, ces professionnels peuvent contribuer à accélérer l’adoption de bâtiments à consommation énergétique nette zéro.